Dimanche 4 décembre 2016, 10h30, l’équipage de Graffiti largue les amarres en direction de la Martinique. Leur mission : traverser l’Atlantique en voilier, sans assistance, sans escale et arriver avant Noël. Pour cela, ils partent avec environ 50kg de fruits et légumes, aucun risque de scorbut à bord, 400L d’eau dans les réservoirs et 80L d’eau en bouteille, quelques kilos de riz et de pâtes, et surtout du chocolat, de la farine et des oeufs ! Avec Pauline on se motive pour faire une transat végétarienne. Pour l’irréductible carnivore, je nomme ici Bernard, il y aura quand même quelques tranches de jambon au frigo. Pour manger bio et local, rien de plus simple : l’équipage pourra faire appel à son joker sami le poulpi et son terrible trident, les poissons n’ont qu’à bien se tenir et éviter notre route !

On est tous les 3 excités de quitter enfin le port mais bon je crois que je me rend pas trop compte qu’on part pour au moins 20 jours de nav. Je me demande ce que l’ambiance a bord va donner et comment je vais le vivre.

D’après les premiers calculs, on a 21 jours de nav, ca va être limite pour arriver en Martinique pour Noël mais on y croit quand même :-)

Premiers jours un peu difficile le temps de bien s’amariner, encore quelques vomis à mon actif :-) J’ai pas des équipiers très solidaires et ils me laissent seule pour le concours de vomis ! Après 3-4 jours de nav je suis complètement amarinée, c’est parti pour la lecture, la cuisine et la pêche, ça va occuper le temps :-)

Apparemment on est censé perdre du poids en transat, pour nous je sais pas si ça sera le cas on verra à l’arrivée mais pour l’instant c’est pizza, pain maison, pancake, crêpes, lasagnes, gateaux, on ne se prive pas !

D’un point de vue nav, on descend en direction du Cap Vert et on bifurque en direction de la route des Antilles à 300 miles des côtes du Cap Vert. En gros, ça fait une première route direction Sud-sud-est (220°) de 500 miles et ensuite 2300 miles direction sud sud-ouest (260°).

On trouve pas les vents annoncés pour la première partie, on est parfois obligé de mettre le moteur pour avancer et on rejoint tant bien que mal le point qu’on s’était fixé pour changer de cap. On l’atteint après 6 jours, ce qui fait une moyenne pas terrible ... Nos espoirs d’arriver avant Noël s’effacent, petit coup de déprime sur la bateau. En plus après quelques jours, l’excitation qui régnait au départ s’estompe et les journées commencent a être longues, et l’ambiance un peu plus tendue à bord ! Pas facile dans un espace aussi petit de prendre sur soi et d’évacuer ensuite, mais chacun y met du sien et au global ça se passe très bien quand même :-)

Haha j’ai pris mon premier poisson en pleine mer, une belle dorade conyphère, c’est une petite, elle fait seulement 3kg mais pour 3 ça nous fait 2 bon repas ! Je sais pas si c’est le fait qu’on l’ait péchée, tuée, vidée et préparée nous même, mais c’est le meilleur poisson que j’ai mangé. La chair est bien tendre et pas sèche et on peut tirer des bons filets.

Accrochez vous pour continuer la lecture, on est qu’au 8ème jour ! J’ai le temps d’écrire sur le bateau alors j’en profite !

La fatigue commence à bien se faire sentir, comme il faut tenir les quarts la nuit (j’ai celui de 2h à 5h), je dors par tronçon de 4h max j’ai un peu de mal à prendre le pli, et on se fait quand même bien brasser par moment.

On commence à trouver des vents plus réguliers et qui nous permettent d’avancer confortablement. Les 10ème et 11ème jours, on fait des moyennes de 150 miles par jour, ça souffle bien et l’espoir d’arriver pour Noël renait, on refait les estimations plusieurs fois par jour pour calculer la date d’arriver avec des hypothèses plus ou moins favorables selon l’humeur du moment, on est comme des gamines avec Pauline ! Le vent est plus ou moins établit à l’est, il faut quand même faire plusieurs manip de voile selon la force du vent. On a pendant a long moment un vent de 25 noeuds établit avec des rafales qui montent à plus de 40. On se retrouve à faire des manoeuvres de tangonnage de génois dans une bonne houle de 3m, je dois aller à l’avant du bateau pour faire passer le tangon de babord à tribord. Pour faire cette manouevre, on a rentré tout le génois qui était notre seule voile, on se retrouve donc bien brasser par les vagues et c’est pas si simple que ça de tenir à l’équilibre devant et d’utiliser ses bras pour manoeuvrer.  On est bien concentré et ça se passe (à peu près) sans encombre. Ca a été 2 jours un peu compliqué avec beaucoup de manoeuvres, des quarts pas très reposants et ça se ressent sur l’ambiance générale. Heureusement qu’on fait du pain, des bons petits plats et des gateaux pour remonter le moral, faut pas négliger l’importance de la cuisine à bord d’un bateau.


11ème jour c’est la journée de la motivation : remplissage des bouteilles des d’eau (on a acheté des gros bidons de 8L donc faut se motiver pour remplir régulièrement des bouteilles d’1.5L), tour des légumes et des fruits pour faire le tri de ceux qui sont abimés, lessive et grosse casserole de patate rissolée, il en faut peu pour nous rendre heureux ! On finit le 1er réservoir d’eau, on a utilisé que 120L d’eau en 11 jours c’est pas si mal :-)

16 décembre : On arrive à contacter un ami de Bernard qui nous informe de la météo pour les jours suivants : les vents vont rester assez fort, entre 20 et 30 noeuds jusqu’au bout, si tout se passe bien on est presque certain d’arriver pour Noël. Ce qui veut dire qu’on va continuer à bien se faire brasser avec une houle entre 2 et 3m, il va falloir gérer la fatigue.

Les journées passent très vite maintenant, on a chacun prit notre rythme. C’est quand même fou d’être sur un bateau comme ça au milieu de l’Atlantique. En tout cas je me sens hyper bien et même si je fais rien la plupart du temps, je m’ennuie pas du tout, j’arrive à oublier la notion de temps.

17 décembre : on a croisé un petit cata, il est passé à quelques centaines de mètres de nous c’est fou de rencontrer quelqu’un à cet endroit. On lui passe un petit appel radio histoire de discuter, c’est des français qui font route comme nous pour la Martinique. On continue à bien avancer, avec des moyennes à plus de 150 miles par jour mais qu’est-ce qu’on se fait brasser. Ca devient très sportif de faire la cuisine, ça vole un peu dans tout les sens !

Il reste plus que quelques jours de nav, finalement j’ai pas vu le temps passé. J’ai l’impression qu’on est parti il y a seulement quelques jours de Las Palmas. C’est une expérience incroyable en tout cas, et j’ai du mal a croire que ça va bientôt toucher à sa fin (il reste 800miles à parcourir). Il faut que je commence à réfléchir sur ce que je vais faire après la Martinique : rejoindre la Colombie directement ? Visiter les îles des Caraibes ? aucune idée pour l’instant en tout cas :-)

On a toujours des fruits et des légumes, je pensais pas que ça tiendrai aussi longtemps, on a mangé la dernière mangue aujourd’hui. 

D'après les derniers calculs on devrait arriver le 24 au matin si il n'y a aucun problème à bord. Mais c'est pas le cas, un bateau proche de nous nous contacte par radio, ils viennent de casser leur drisse de génois, il avait déjà casser leur bôme de GV, ils ont pas assez d'essence pour arriver au Marin, du coup on se propose de se dérouter pour se rapprocher d'eux et de rester un peu avec eux, si besoin on leur passera de l'essence. Après une nuit, ils arrivent à envoyer un bout de toile et nous disent qu'ils sont en sécurité pour aller jusqu'à terre, on reprend notre route. Ca a mis un petit coup au moral à tout l'équipage, on ne savait pas trop combien de temps ça allait nous rajouter, finalement on aura perdu que quelques heures. 

Les derniers jours sont un peu long, on a hâte d'arriver. Après une dernière manip de nuit, on voit la Martinique le 24 au matin et on pose nos petits pieds à terre à 14h. Après les formalités au port, un petit verre pour fêter ça, on retrouve les amis de Pauline et on fête Noël chez eux, mais bon pour ma part je m'écroule de fatigue à 23h ! Je vais profiter un peu de la Martinique maintenant avant de me lancer vers d'autres îles, j'ai pas envie de repartir en bateau de suite ^^ 

En tout cas je garde un super souvenir de cette transat même si ça a pas toujours été facile physiquement, mentalement et socialement, c'est quand même une expérience extraordinaire :-) 

Joyeux Noël à tout le monde :-)